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L'actualité des étudiants
4 mai 2015

[Édition spéciale] - Ils peinent à assumer leur statut de légende depuis qu’ils ont remonté ce brochet gargantuesque

GG_brochet

Histoire réelle ? Mythe ? Légende ? L’épisode est tel, qu’on ne sait plus. Chacun s’en souvient sans doute très bien, le début du récit remonte à plus d’un an déjà, début avril 2014. C’est en région marseillaise que le miracle se serait produit, dans le cadre de leur projet tutoré de Master 1, Roméo, Anthony, Vincent et Clément prennent part à une pêche électrique où ils y feront une rencontre inimaginable. Le reste appartient à l’histoire.

 La retenue du Realtor : lieu devenu mythique

 Tous les vendredis matins, c’est la même chanson pour ces amis de classe. Ils rentrent généralement de soirée entre 4h et 5h du matin, manifestement éméchés, et ont rendez-vous à 07h30 devant l’Université de Saint Charles pour leur sortie hebdomadaire. « C’est des nuits courtes c’est sûr, mais ça peut difficilement se passer autrement le vendredi. » nous explique Roméo, les yeux cernés et injectés de sang. « On repousse un peu les limites tous les jeudis, physiquement c’est très dur, mais on est vivant, et on sait qu’on va passer la journée sur le lac et sous un soleil de malade, ça nous rend carrément invincible. » poursuit-il, avant de se retourner discrètement, pour vomir.

 A l’origine, le Realtor était une retenue d’eau somme toute très classique, elle n’en ait plus rien. Ce lac créé artificiellement pour subvenir aux besoins d’eau potable des marseillais était la cible d’une étude sur la biodiversité pour ces étudiants de Master. Au cours d’une pêche électrique, ils vont remonter à la surface un véritable monstre, sous le regard stupéfait de leur professeur d’hydrobiologie. Aujourd’hui, les touristes affluent en masse chaque jour autour du bassin, pour caresser l’espoir d’apercevoir celui qu’on appelle « Le titan du Sud-Est ».

 « Par ici, on ne trouvera rien »

 Mais comment en sont-ils arrivés là ? Nous les avons interrogés longuement pour connaître tous les tenants et les aboutissants de l’affaire.

C’est visiblement encore saoul de la veille, que les quatre compères prennent place dans les deux barques qui leur sont mis à disposition. Seul Vincent semble tenir à peu près debout correctement. Rémy, technicien de la Société des Eaux de Marseille (SEM) prend place avec Anthony et Vincent qui se chargent des épuisettes, tandis que Roméo a la lourde responsabilité de la cathode. De son côté, Clément endosse très bien le rôle du vilain petit canard puisqu’il embarque dans l’autre bateau avec son professeur, et le moteur électrique. Vincent se justifie : « le vendredi d’avant, il avait été particulièrement bon cathode en main, en remontant plus de 60 brèmes et autres barbeaux fluviatiles, il fallait bien qu’il y ait un turnover cette fois-ci. »

 Il est 10h37, et après environ une heure de pêche, ils ne remontent qu’une demi-douzaine de brèmes et quelques cendres. Le ciel est grisaillant, le mistral se lève et les remontés acides commencent à se manifester, ça sent la journée difficile.

Anthony et Vincent, pêcheurs invétérés de leur état, n’hésitent pas à prendre les rênes de l’embarcation en désignant les endroits de pêche, ils montrent du doigt une roselière en bordure de lac. Quelques mètres derrière, contre le vent, on peut discerner la voix de leur professeur qui  s’époumone : « Ici, on ne trouvera rien, ne perdons pas de temps ! ». Il est 10h42 et c’est précisément à ce moment-là que tout va basculer.

Feintant de ne pas entendre son professeur, Roméo immerge tout de même la cathode et commence à charger, pendant de longues secondes. Tout d’un coup, c’est la stupeur, une énorme masse fait surface, l’excitation, puis la panique prennent place. Tous les six se jettent des regards apeurés, personne ne bouge pendant ce qui semble être une éternité. C’est Vincent qui vient briser le silence en sortant un bruit strident d’affolement. « C’est un brochet Antho, c’est un brochet ! » s’exclame-t-il en agrippant fortement le bras de son camarade, manquant de peu de le faire chavirer. S’en suit une lutte acharnée d’une dizaine de minute, pour tenter de remonter l’animal dans l’embarcation, ce qu’ils parviennent finalement à faire.

« Au début, on croyait que c’était un crocodile, ou un hippopotame, tellement la silhouette était imposante. On a mis quelques secondes à retrouver notre lucidité » avoue Anthony, à froid.

Impossible d’enlever le sourire crédule du visage de ces six scientifiques. Même le professeur, dans le métier depuis plus de 40 ans, n’en croit pas ses yeux. « C’est un peu le spécimen que j’ai attendu toute ma carrière, ça fait exactement 43 ans que j’attends ce moment. En plus je leur avais dit de ne pas tester à cet endroit, je peux simplement leur dire un énorme merci » admet-il, avant d’ajouter qu’il va maintenant pouvoir partir à la retraite sereinement.

 1 mètre 15, pour 12 kilos

 Le résultat est sans appel : 115 centimètres, 12 kilogrammes. Ils peinent vraiment à le croire, Vincent remesurant même huit fois les mensurations du poisson. A bord, on a beaucoup de mal à contrôler le jeune homme qui est rapidement pris de crises d’hystéries. « Il était comme possédé, ou en transe. Je crois bien qu’il ne nous entendait même plus » assure Clément. Tout le monde y va alors de sa photo avec le nouveau trophée, en finissant par prendre la photo de groupe, tous les quatre. Vient alors le douloureux moment de remettre l’animal à l’eau, et redonner à la nature ce qui lui appartient. Les trois amis laissent Vincent s’en charger. Il saisit alors le poisson, lui donne un baiser sur chaque ouïe, et lui susurre des mots que seul lui et le brochet connaîtront. Inévitablement, il éclate en sanglot.

 « La RealtorMania » : une rapide descente aux enfers

 Oui mais voilà, le retour du bâton va se révéler terrible pour ceux qu’on appellera rapidement « les  quatre illuminés ».

En fin de journée, Rémy, encore tout guilleret de cette rencontre, promet aux étudiants d’imprimer la photo au format A2. Dès le lendemain, elle est affichée à l’Université de Marseille, ce qui va se révéler  à double tranchant.

 Très vite, ils sont idolâtrés dans toute la faculté. Acclamés dès qu’ils arrivent au portail de l’université, ils ont beaucoup de mal à conserver un train de vie normal dans leur vie étudiante. Ce n’est pas encore la « RealtorMania ». Un peu à l’image de la « Beatlemania », le terme est apparu environ une semaine plus tard, pour désigner l’extraordinaire engouement des fans à l’égard de ce groupe de quatre. Les rues marseillaises et les réseaux sociaux tout autour du globe se déchainent. « Tout est allé très vite, trop vite » confie Anthony, portant une casquette et des lunettes de soleil pour ne pas être reconnu. « On arrivait même plus à se déplacer d’un amphi à l’autre, tellement les gens voulait nous voir, nous toucher. On a apprécié ça un certain temps, mais c’est devenu vite ingérable, et personne n’était là pour nous ramener les pieds sur terre. On s’est perdu dans cette folie. » Reconnait-il, le visage fermé.

 Depuis, rien ne s’arrange et leurs rares apparitions en public renforcent encore plus le mythe et l’admiration portée à leur égard. Dépression, alcool, drogues, c’est le chemin qui semble inévitable pour les quatre fantasques. Il n’est pas rare de retrouver deux d’entre eux, dont on taira les noms, totalement amorphes et délirants aux petites heures du matin, dans un coin sombre du Trolleybus, célèbre boite de nuit du vieux port de Marseille.

 La capuche de sa veste recouvrant son visage, Clément se livre : « le problème quand on atteint le sommet de la montagne, c’est qu’il n’y a qu’un chemin possible une fois en haut, et c’est celui pour redescendre, de l’autre côté ». Il s’interrompt et jette des regards inquiets derrière son épaule.  « Nous, on voulait toujours aller plus haut, et je crois qu’on n’accepte pas la situation. Maintenant, tout sera probablement moins bien que cette journée, et ça va prendre du temps pour pouvoir se reconstruire et apprécier de nouveau les petits plaisirs de la vie, comme rouler en voiture la fenêtre grande ouverte ». reprit-il, tout en ignorant un énième appel du responsable de son Master, avec qui il a longtemps été en froid, mais qui tente aujourd’hui, d’organiser une conférence de presse pour rassembler les quatre héros.

La rédaction

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